top of page

ENCYCLOPÉDIE VAGABONDE
58 planches

Face à l’étourdissement des merveilles du monde, j’ai choisi d’accumuler les résidus de la vie quotidienne et des mémoires agglomérées au cours de mes dérives vagabondes. L’ambition, prétentieuse par certains côtés, d’en faire une » Encyclopédie » participe de mon intention à l’ère de la révolution numérique de me perdre dans l’impossible choix de ce qu’il faut retenir de la masse infinie des images et des textes qui voyagent sur les réseaux.
Déjà Warburg avec Mnémosyne avait tenté de construire un récit illustrant les savoirs accumulés par des siècles de l’aventure humaine.

Aujourd’hui la conscience d’un monde sans limites bouleverse nos certitudes.
L’impureté généralisée est incontournable, dans ma démarche je tente de réconcilier inlassablement la trace et le sublime en lieu et place de leur opposition improductive. Attentif aux fragments, aux déchets, aux erreurs qui constituent ce « sublime parasite » évoqué par Ruskin, je parcours dans un rêve éveillé les sentiers qui me conduisent à un détournement des évidences.
Animé de la conscience de l’inachèvement perpétuel des métropoles et de la fin de l’opposition des villes et de la nature, tels les chiffonniers décrits récemment par Antoine Compagnon je recueille et façonne les bribes de mes pensées et mes observations irrationnelles.

Textes et images se confrontent en des narrations surprenantes. A l’école des textes surréalistes, de Dada et d’autre j’aborde des continents sans aucune références, titres, textes et dessins fabriquent un récit ouvert à toutes les interprétations.
L’ambition de créer une mélodie romantique et déstabilisante accompagne mes ratures griffures et autres éructations.
Les dessins surgissent sur la feuille blanche comme des taches avalées par un buvard. Les textes se glissent entre le labyrinthe des images et les éclats de titres parasites, ils s’énoncent sans queue ni tête, comme des paroles murmurées au seuil d’un abîme de certitudes et d’interrogations.
Textes et images en ruines nourrissent l’abandon de mon discernement et invitent à lire le présent comme un passé au futur. Une tentative de dialogue indirecte avec deux de mes soutiens dans le désespoir du temps présent que sont Kurt Schwitters et W G Sebald.


Antoine Grumbach
Paris 20.03.2020

hérbier ephémère. Grumbach

1 / HERBIER

Hérbier ephémère

2 / CHAOS

Herbier ephémère. Grumbach

3 / EPHÉMERE

4 / "L'OEIL QUI PENSE"

HÉRBIER EPHÉMÈRE
73 photos

1 / HERBIER
Les amas de feuilles et de brindilles qui jonchent le sol en automne balayées par le vent et la pluie installent et composent une construction irrégulière que domine le hasard, une géométrie de turbulences qui échappe à l’analyse rationnelle. Une surprenante réalité associant chaos et harmonie se révèle sous notre regard de promeneur.
Henri Poincaré pionnier de la théorie du chaos avait énoncé : « La science émergente (1930-1920) du chaos est venue éliminer la certitude newtonienne et laplacienne d’un déterminisme absolu de la nature…Le scientifique n’étudie pas la nature pour un but utilitaire, il étudie par ce qu’il y trouve du plaisir par ce que la nature est belle ».
Mon herbier s’attache à une tache sans fin consistant à enregistrer et pérenniser ces éphémères ruines de la nature en raison de leur beauté.

2 / CHAOS

« Pendant longtemps qualifier quelque chose de complexe servait à designer une difficulté, de compréhension ou de réalisation… Ce n’est que depuis peu que la complexité, cessant d’être une invocation est devenu un problème, un objet d’étude en soi et de recherche systématique »*
Caractérisé par un haut degré d’irrégularité composé d’un amassement d’objets naturels bien définis que sont les feuilles et les brindilles cet ensemble qui recouvre les sols, naturels ou artificiels, possède une étrange beauté associant désordre et complexité.
Le foisonnement chaotique de ce désordre repose sur une accumulation du fragile, de l’éphémère et du durable.
Ces ruines de la nature intriguent par la richesse de leurs complexités de formes et de couleurs et de matières qui les feraient rentrer dans un impossible cabinet de curiosités.
Ces compositions aléatoires s’étalent sur le sol et se découvrent en cheminant animé d’une « visibilité errante » marquée par le toucher des yeux célébrant la qualité tactile du visible qu’évoque Maurice Merleau-Ponty.

* Henri Atlan, Colloque sur l’intuition du complexe et ses théorisations

3 / EPHÉMÉRE

Cette « nature morte » qui envahit les sols se caractérise par son existence éphémère. A leur composition chaotique s’associe la perception de leur état menacé de destruction par la marche du promeneur, le vent ou la pluie et leur décomposition programmée par le cantonnier balayeur ou les souffleurs insouciants.
Dans la nature les forêts et les jardins, le destin de décomposition s’installe dans les grands cycles du monde naturel pour fabriquer l’humus.
Dans les villes leur ramassage produit du compost ou ils sont brulés. La beauté fragile de ces œuvres de la nature est relative car les cycles des saisons nous font retrouver ces œuvres éphémères à chaque automne.
Sans doute cette fragilité peut s’inscrire dans un rituel contemporain analogue aux évènements temporaires qui accompagnent les installations artistiques.

4 / " L'OEIL QUI PENSE " ROLAND BARTHES

 

La photographie :


« Qu’elle sauve de l’oubli……les choses précieuses dont la forme va disparaitre et qui demandent une place dans les archives de notre mémoire, elle sera remerciée et applaudie. »
Charles Baudelaire, Salon de 1859.

 

La singulière étrangeté des désordres de la nature est mise au défi par l’invention de la photographie et sa compétence à figer des instantanées de toutes les figures en mouvement qu’elle a généré.
Les photos de sols de la même façon que les feuilles des herbiers ne sont que des prélèvements d’ensemble sans limites. Cependant le caractère de ces compositions uniques et instantanées les distingue des feuilles prélevées dans un herbier, orpheline du contexte d’où elles proviennent. Photographier les sols relève d’un déplacement du regard pour expérimenter un entre deux saisons ou la nature change de visage. Témoignage de la diversité ces images nous parlent de la vie et de la mort.
L’Herbier Hérétique se propose de rendre visible les chaos éphémères héritages d’un regard tourné vers les sols au rythme des saisons.

bottom of page