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Hôtel Sequoia Lodge Marne-la-Vallée

Localisation : France, Marne-la-Vallée
Programme : hôtel de 1011 chambres - bâtiment principal 744 chambres - 5 lodges de 267 places - deux restaurants 350 et 125 places - piscine ouverte, lobby, magasins, gymnase, salon de jeux, parkings 761 places - bâtiment principal 36400m2
Surface : 50 000 m2
Montant des travaux : 57 473 279 €
Maître d'ouvrage : EURODISNEYLAND
Date : 1988 - 1992

Dessins / Plans / coupes

LES HÔTELS DISNEY

L’EXEMPLE DU DISNEY’S SEQUOIA LODGE

 

***

 

Antoine Grumbach, architecte

 

Entretien réalisé en octobre 2011

 

L’hôtel Disney’s Sequoia Lodge ne fut pas votre premier projet pour Euro Disney.

La première demande de Michael Eisner était de faire du grand plan d’eau un élément ludique. Nous avons fait des choses un peu folles, à la Gaudi, avec des îles, des grottes, des fontaines recouvertes de céramiques, et toute une série d’activités autour du plaisir de l’eau dans un très grand jardin d’eau et de belvédères, un peu comme le parc Guell de Barcelone. Et quand j’ai présenté la maquette à Michael Eisner et ses collaborateurs, il fut décidé que ce plan d’eau serait finalement un lieu de promenade et non un élément d’attraction. J’ai été évidemment déçu, mais dans la discussion, je leur ai proposé un hôtel pour ce plan d’eau. Un hôtel qui serait « la Forêt des Géants ». Il s’agissait de grands bâtiments verticaux comme des troncs de séquoias qui seraient reliés par des passerelles, avec de grandes plantations au sommet. Il n’a pas eu de suite car cela posait des problèmes fonctionnels. Quelques mois après, Michael Eisner et Philippe Bourguignon m’ont appelé pour me demander si j’avais une autre idée pour un hôtel. Ils s’étaient tournés vers d’autres architectes de renom comme Christian de Portzamparc, Jean Nouvel ou encore Aldo Rossi et aucun de ces projets ne les satisfaisait. Christian de Portzamparc avait imaginé un hôtel inspiré des collines de Rio de Janero, Jean Nouvel avait proposé un projet sur Cap Canaveral et Aldo Rossi sur le Sud des Etats-Unis, très inspiré de Savannah. C’était de très beaux projets, mais ce n’était pas dans l’esprit recherché. J’ai donc réfléchi pendant quelques jours puis j’ai écrit une lettre à Michael Eisner en lui racontant l’histoire d’une petite fille avec son père dans un hôtel qui serait une réflexion sur l’importance de la nature. Mon idée était que ce qui pouvait faire la liaison entre les Etats-Unis et l’Europe était un rapport à la nature, et je prenais comme thème les grands lodges américains dans les parcs nationaux. La petite fille décrivait donc cet hôtel fait de bois, de pierre, de cuivre, avec une piscine et une source chaude, et tout cela se développait autour du lac et le long de la rivière. Le concept a été accepté et deux mois après, je présentais le projet à Los Angeles.

 

 

Comment cela s’est-il passé ?

Après cette réunion, Philippe Bourguignon m’a dit d’aller prendre un café et de l’appeler une heure plus tard. Je suis donc allé prendre un café près des studios Disney de Burbank. J’étais tendu car la maquette avait été cassée dans l’avion et j’avais perdu ma valise. Une heure après, je rappelle Philippe qui me dit : « ça y est ! C’est vous l’architecte ! » Nous nous sommes donc mis au travail pour réaliser ce bâtiment de bois, de pierre, de métal avec une source chaude. Je crois que j’étais le seul de tous les architectes à proposer quelque chose qui collait au site puisque je le connaissais bien pour avoir travaillé sur le plan d’eau. On nous demandait 1100 chambres et je suis venu avec un grand bâtiment avec 700 chambres et 400 chambres dans des lodges qui se développent le long de la rivière. Et l’un de ses lodges abritait en fait une grande piscine comme une source chaude que j’avais vue dans le Montana où j’avais passé des vacances.

Nous étions en juillet et Philippe Bourguignon me demande les plans pour septembre. Or, j’avais mes billets d’avion car j’avais prévu d’aller passer des vacances chez des amis dans le Montana. Il m’a répondu que ce n’était pas grave, que j’allais faire un petit détour par Orlando pour voir Walt Disney World et qu’ils allaient m’envoyer mes documents de travail directement chez mes amis aux Etats-Unis. Quand je suis arrivé dans le Montana, il y avait une caisse d’un mètre cube avec tous les documents pour travailler ! Je me suis mis tout de suite à dessiner et tout a été prêt à temps.

 

Quelles furent vos sources d’inspiration ?

Mon inspiration m’est venue du Montana lui-même mais aussi du grand architecte américain Frank Lloyd Wright, que je connaissais bien pour avoir moi-même enseigné à Princeton aux Etats-Unis. De l’autre côté, je connaissais bien le site de Marne-la-Vallée car l’un de mes premiers projets a été de dessiner les espaces publics de la ville. Je sais qu’en hiver il y fait très froid et c’est la raison pour laquelle j’ai voulu cette grande cheminée qui trône au centre du bâtiment principal. Je voulais vraiment un hôtel où il fait bon vivre 365 jours par an.

 

La construction de l’hôtel a été plutôt inhabituelle pour la France.

On construisait tout « grandeur » dans un grand hangar à Noisy-le-Grand.  La façade, les toits et même les chambres de tous les hôtels étaient rassemblés dans ce hangar et Michael Eisner donnait son feu vert en voyant tous ces éléments dans leur taille réelle. On m’avait expliqué que je n’avais pas à m’occuper de la décoration des chambres. Par contre, Michael Eisner souhaitait que les architectes soient là pour la présentation des chambres. Nous nous sommes donc retrouvés dans ce hangar avec une chambre de chaque hôtel montée et décorée pour la présentation. Quand nous sommes arrivés devant la chambre prévue pour le Disney’s Sequoia Lodge, c’était horrible ! J’en étais malade. Michael Eisner m’a demandé si c’était moi qui avais fait cela et je lui ai expliqué qu’on m’avait interdit de m’occuper de la décoration. Lui qui était en jean et baskets s’est retourné vers ses collaborateurs en costumes trois pièces et s’est mis en colère. Il leur a dit que je devais faire le concept des chambres et qu’ils devraient trouver des gens pour le réaliser. J’ai donc réalisé un dossier puis nous avons trouvé un décorateur qui a repris le concept et l’a développé.

 

L’implication de Michael Eisner est impressionnante.

Michael Eisner voulait mon avis sur tout. Depuis les gouttières jusqu’aux soubassements en pierres, en passant par la couleur du bois et les arbres qui allaient être plantés. Il se mettait toujours à la place d’un visiteur et tenait à ce que le moindre détail raconte une histoire, participe de l’histoire du lieu. Même les menus ! Comme les plats servis dans les restaurants de l’hôtel étaient principalement à base de viande, j’ai imaginé qu’on puisse voir la préparation des plats sur le chemin du restaurant, à travers une vitre. On m’a également montré les costumes du personnel, et notamment des serveuses, qui étaient très habillés, boutonnés jusqu’en haut. Or, en France, on est moins strict sur les habits féminins, et j’ai demandé à ce qu’on mette un peu plus en valeur la féminité des personnes qui assurent le service.

 

Quels sont vos souvenirs du chantier ?

C’était un très gros chantier et Disney voulait que je fasse tout. Mais cela coûtait trop cher. Alors ils m’ont proposé de m’occuper du lancement du projet puis de faire appel à un cabinet d’architectes français, pour finaliser l’hôtel, sous la surveillance de Michael Eisner, d’Euro Disney et de moi-même pour être sûr que tout était bien respecté. J’avais donc deux personnes chez moi qui suivaient tous les plans et donnaient notre approbation. Nous avions prévu des grosses pierres pour les soubassements, mais l’entreprise Bouygues qui construisait l’hôtel nous a dit qu’ils ne pourraient tenir les délais si on ne les pré-fabriquait pas. On a donc fait des morceaux de soubassements de 7 mètres de long avec des pierres et des galets. De fait, tous les 7 mètres, il y avait un joint. Bouygues les avait minimisés et je m’étais moi-même assuré que cela restait discret. Mais rien n’échappait à Michael Eisner qui s’est étonné que cela ne soit pas construit à la main. Il n’acceptait pas qu’il y ait des joints et voulait que l’entreprise lui fasse sentir que le soubassement est continu. Alors, pendant presque un mois et demi, deux ouvriers de Bouygues ont travaillé à boucher les petits trous du joint avec des cailloux pour donner l’impression d’avoir été construit d’une façon traditionnelle ! C’était vraiment très agréable de travailler avec quelqu’un d’aussi connaisseur et d’aussi attentif aux détails.

 

Cela se passait de la même manière avec tous les architectes du projet, que ce soit Michael Graves ou Bob Stern ou les autres. Imaginez que la tradition chez Disney est de faire la réception des ouvrages à la lunette. C’est-à-dire qu’on vérifie au millimètre près que les ouvrages sont conformes aux plans. Eh bien, les gens de Bouygues ont dû tout reprendre les éléments avec des systèmes de laser afin d’être sûrs que bois et béton soient bien alignés au millimètre près. C’est une manière de travailler que nous n’avons pas en France.

 

L’autre particularité de l’hôtel, c’est son environnement.

Au milieu de la cour de l’hôtel trône ce grand séquoia et il a fallu l’amener avant d’avoir fini le bâtiment. Disney a nommé une personne pour s’en charger, sachant qu’il fallait un grand arbre dès le début. Cette personne a donc trouvé l’arbre en Italie et pour le ramener jusqu’à Disneyland, il a fallu un convoi spécial avec un itinéraire très précis pour éviter certaines routes et certains tunnels. Et quand il est arrivé, nous avons fait une petite cérémonie. Nous l’avons ensuite planté et nous avons terminé de fermer la cour et le bâtiment tout autour.

 

Les Hôtels Disney ont tous été inaugurés en même temps, une véritable première en Europe. Quels souvenirs gardez-vous de cet événement ?

L’inauguration des hôtels a été incroyable. C’était bondé à craquer de gens venus du monde entier. Tous les hôtels étaient pleins, il y avait la fête partout avec des spectacles d’un hôtel à l’autre. C’était une mise en scène incroyable. Je crois que je n’ai même pas pu loger dans le Séquoia ! Entre cela et l’inauguration du Parc, nous avons passé trois jours de fête totale !

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